Il y a quelques minutes le Comité Nobel a attribué le prix de littérature 2014 à Patrick Modiano.
Patrick Modiano est un grand, très grand écrivain, dont je pense avoir tout lu depuis « La place de l’Etoile », son premier livre jusqu’à « Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier » paru il y a quelques jours. Mais quels que soient le charme, l’envoûtement ressentis à la lecture de chacun de ses ouvrages (une trentaine) il s’agit en fait toujours du même livre. Répétitivement, Modiano explore avec inquiétude, scrupules, entêtement le (son?) passé, à la recherche de l’enfant intranquille, de la mère défaillante, du souvenir effacé, du monde obscur et inquiétant du Paris de l’occupation et des années suivantes (celles de sa propre enfance). Il ne connait qu’un seul genre, les récits différent mais il s’agit finalement de toujours la même histoire. Toutefois le style est reconnaissable entre tous et indexe un grand écrivain.
Pascal Quignard, de la même génération, une enfance douloureuse aussi avec de longues périodes de mutisme, offre, lui, une oeuvre foisonnante et polymorphe qui ne refuse aucun genre et embrasse tout l’empan de la littérature. Il écrit certes des romans des « Escaliers de Chambord » ou » Le salon du Wurtenberg » les plus anciens à « Terrasse à Rome », « Villa Amalia » ou « Les solidarités mystérieuses » plus récemment. Mais aussi quantité d’essais qui traitent de ses lieux de prédilection: le silence, la rupture, la mort, le sexe, les langues et littératures anciennes (incomparable érudition). La musique et l’écriture s’y rapportant (« Tous les matins du monde ») occupent une place essentielle dans sa vie comme dans son oeuvre. Un peu rapidement je dirai qu’il se situe dans la lignée des Blanchot, Bataille, Lévinas. Son style est inimitable . Par sa puissance, sa diversité, sa profondeur, l’ampleur de sa quête Quignard est un écrivain considérable qui méritait absolument, enfin, le Prix Nobel.