Archives mensuelles : novembre 2015

Pensons ensemble l’horreur, sans peur et sans haine

Mon précédent article: « Il faut tuer les tueurs et leurs commanditaires » m’a valu, comme prévu et souhaité, de nombreux commentaires, dont une partie est présente sur ce blog, les autres m’ayant été transmis directement. Tous n’approuvent pas cet écrit de la nuit du 13 au 14 novembre, et beaucoup posent des questions.

Un rappel, au préalable: la première ligne de l’ article de référence : « Raison garder, même et surtout face aux horreurs de la déraison »; l’avant dernière: « Sachons résister à la peur mais aussi à la haine ». Ceci pour témoigner que mon point de vue s’exprime avec dureté mais aussi humanité.

1ère mise au point sur la peine de mort et la guerre:

La peine de mort, je suis depuis toujours, et pour toujours, absolument son ennemi, adoptant comme mon ami J.M.C. la formule de Robert Badinter: « Parce qu’aucun homme n’est totalement responsable, parce qu’aucune justice ne peut être totalement infaillible, la peine de mort est moralement inacceptable ». Je suis, depuis des décennies, membre de ECPM (Ensemble contre la peine de mort, 3 rue Vaillant Couturier 92230 Chatillon). La loi d’abolition du 9 octobre 1989 est des plus beaux moments de la République.

La guerre est la guerre, avoir peur du mot est avoir peur de la chose. Elle a ses lois et les opérations en cours n’y contreviennent pas, comme l’exprime la résolution des Nations Unies du 20 novembre dernier, votée à l’unanimité, autorisant « toutes les mesures nécessaires »  contre l’organisation dite état islamique (quel affront fait à l’Islam!) qualifiée de: « menace mondiale et sans précédent contre la paix et la sécurité internationales ». Je sais qu’il faudrait répondre à la haine par la fraternité, mais je sais aussi que pour cela il est préférable d’être encore vivant. Ce que veut daech? Abolir notre vie, notre culture, notre art de vivre, établir une dictature sanguinaire hostile aux femmes, à l’éducation, à l’histoire, rétablissant la forme la plus extrême de la charia, l’esclavage, la décapitation, la torture…comme il le fait déjà dans les territoires dévastés qu’il a conquis et qu’il maintient par la terreur et comme son « califat » ambitionne de l’étendre à toute la planète. Je ne peux  laisser cette menace planer sur l’avenir de nos enfants et petit-enfants.

2ème mise au point sur les « dégâts collatéraux »

Personne n’en parle, ni nos ennemis, ni nos états majors ni les médias. Curieux mutisme devant ces probables tragédies que les tirs conjugués de leurs geôliers et des bombardements infligent à ces malheureuses populations sur lesquelles depuis si longtemps s’acharne la mort.

Il y a évidemment des victimes, en dépit de ces silences. C’est une honte, une terrible culpabilité. Elle est consubstantielle à la guerre, à toutes les guerres. Au printemps 1944 les Alliés ont redoutablement bombardé la Normandie, (et d’autres régions voisines pour tromper l’ennemi), afin de détruire les systèmes nombreux et sophistiqués des défenses du Reich, les ports et les ponts, pendant la « semaine rouge » qui a précédé le débarquement. Pour désorganiser l’armée allemande, empêcher la retraite, le ravitaillement et l’arrivée de renforts, ces bombardements firent plus de huit cent morts et vint mille sinistrés civils. Et ils continuèrent par la suite. Ces actions précédaient, accompagnaient (et succédaient) au débarquement qui n’aurait pas réussi sans cette préparation sanglante. Ne fallait-il pas le faire?

Je regrette toutefois vivement qu’en France, et dans le monde, aucune grande voix ne se soit levée pour dire notre chagrin et notre compassion à l’égard de ces victimes, doublement martyres.

3ème mise au point sur « tuer les tueurs »

Une expression malheureuse et inexacte, née spontanément pendant cette nuit d’horreur. J’aurais du écrire: « Il faut les mettre hors d’état de nuire ». Leur capture aurait permis de mettre à jour, pendant le procès, leurs motivations et surtout l’engrenage dans lequel, par le lavage de cerveau, le conditionnement et enfin le téléguidage, ces individus ont été dépêchés pour tuer par leurs sinistres, et sanguinaires chefs de daech. Malheureusement ils se sont fait exploser ou ont imposé aux forces de sécurité de les éliminer. Je n’ignore pas qu’il s’agit de jeunes gens perdus, noyés dans une idéologie dénaturée (récusée par l’immense majorité des musulmans), habités par une aspiration mortifère et ordalique à tout tenter, quelque soit le prix, pour obéir et à cette doctrine de mort et à leurs propres pulsions d’autodestruction. Mais tout de même quand Merah tire une petite fille par les cheveux pour mieux ajuster le tir qui fera exploser le crâne de cet enfant, et tue sept innocents, quand les frères Kouachi assassinent calmement, méthodiquement onze personnes au siège de Charlie, quand Coulibaly exécute d’abord une policière puis quatre personnes dont le crime était de se trouver dans une supérette casher, quand les terroristes (huit semble-il) abattent froidement les clients en terrasse, puis tirent, impavides, dans le tas et alignent quatre vingt dix cadavres au Bataclan, quand, des milliers de fois ils appuient, mécaniquement, sur la gâchette avec un humain au bout du canon, que se passe-t-il dans leurs têtes?  Impitoyables gamins, ainsi nommés dans le texte de référence. Mais aussi drogués, y compris chimiquement aux amphétamines sans doute, et aussi et surtout par un système, fou mais très organisé, mensongèrement étayé sur une doctrine pervertie par eux, par une technique excitant systématiquement leur part sadique, ils sont aussi des jeunes gens perdus, mais définitivement impardonnables.

Citations extraites du communiqué de presse (revendications des attentats par daech):

« …Dans une attaque bénie dont Allah a facilité les causes, un groupe de croyants des soldats du Califat, qu’Allah lui donne puissance et victoire, a pris pour  cible la capitale des abominations et de la perversion, celle qui porte la bannière de la croix en Europe, Paris…

…Huit frères portant des ceintures d’explosifs et des fusils d’assaut ont pris pour cibles des endroits minutieusement choisis à l’avance au coeur de la capitale française, le stade de France lors du match des deux pays croisés la France et l’Allemagne auquel assistait l’imbécile de France François Hollande, le bataclan où étaient rassemblés des centaines d’idolâtres dans une fête de perversité ainsi que d’autres cibles dans le dixième, le onzième et le dix-huitième arrondissement et ce, simultanément. Paris a tremblé sous leurs pieds et ses rues sont devenues étroites pour eux. Le bilan de ces attaques est de minimum 200 croisés tués et encore plus de blessés, la louange et le mérite appartiennent à Allah…Cette attaque n’est que le début de la tempête et un avertissement pour ceux qui veulent méditer et tirer des leçons… »

4ème mise au point: le sadisme humain

Le sadisme gite en nous, au coeur de chacun de nous. Le racisme aussi. Soyons lucides et luttons contre ces pulsions mortifères, pulsions de mort nourries par Thanatos. La différence, non l’opposition radicale entre les bourreaux et les autres réside dans cette lucidité et dans le combat inlassable que nous devons mener pour interdire à ces rejetons de l’inconscient l’accès à nos pensées, nos émotions, nos discours et nos comportements. Il rode le sadisme, sous une forme voilée mais prêt à agir, telle une cellule dormante selon la terminologie des services de renseignement. Qu’une faille apparaisse dans notre vigilance il pousse son mufle hideux et s’empare de notre système psychique, ce qu’avaient bien compris les chefs de toutes les violences ethniques, religieuses, nationalistes. Il suffit de regarder autour de soi, actuellement et dans le passé, récent ou ancien. Soyons donc vigilants en traquant, dans l’intimité de notre psychisme, ce monstrueux instinct.

C’est justement l’exact contraire que pratique daech. Cette organisation du crime enseigne à ses recrues à ne pas faire la différence entre ce qu’ils appellent la mort et ce que nous nommons la vie ; plus exactement à oublier leur peur de la vie pour cultiver l’amour de la mort, celle de leurs victimes, celle de leur propre existence. Les terroristes opèrent le plus souvent à visage découvert, ils massacrent calmement, méthodiquement, sereinement. Allons plus loin: ils cultivent la volupté du crime qui agit comme un aphrodisiaque. Ils sont l’apocalypse et les héritiers de José Millan Astray, l’officier franquiste du tristement célèbre: Viva la muerte! Contrairement à ce que proposent quelques (heureusement rares) beaux esprits aucune négociation, aucun dialogue n’est possible ou souhaitable avec eux. Il faut les anéantir comme autrefois, ce n’est pas si éloigné, les nazis.

5ème mise au point: refuser la confusion et les amalgames

La guerre, puisque guerre il y a, est asymétrique: les attentats attaquent le territoire de la France, de l’Europe et les troupes mobilisées contre daesh sont à des milliers de kilomètres. L’ennemi, quand il frappe, est anonyme, non repérable, quasi invisible, ouvrant ainsi un champ immense à tous les fantasmes et à la suspicion généralisée. L’habitus, la couleur de peau, l’accent, sont au risque d’interprétations artificielles, équivoques, inexactes et injustes et la stigmatisation de la différence menace. Cette guerre n’obéit à aucune règle, telle celles établies par les polémologues, de Thucydide à Clausewitz. Les peuples, atterrés, se heurtent à une inquiétante étrangeté, à l’inconnu dangereux.

Je veux ici rappeler que les terroristes, prétendant agir au nom de l’Islam, tuent plus de musulmans que de non musulmans; qu’ils sont une infinitésimale minorité (quelques dizaines de milliers de fous de dieu sur une communauté musulmane qui dépasse très largement le milliard de personnes dans le monde et compte entre cinq et six millions de sujets dans notre pays); qu’ils font dire au Coran des paroles de guerre alors qu’il propose des déclarations de paix tout aussi nombreuses; qu’ils souhaitent opposer les communautés, provoquer des réactions de rejet visant nos compatriotes musulmans et par une forme de guerre civile, faire vaciller, tomber les institutions démocratiques et la République.

Et donc je dis, calmement et fortement: ne tombons pas dans ce piège; les musulmans, comme tous celles et ceux qui se réclament d’autres obédiences religieuses, philosophiques, spirituelles sont nos frères humains. Dans ces moments tragiques ils n’ont pas à en faire plus que les autres, ils ont les mêmes droits que chacun. La solidarité et la fraternité entre nous, l’éducation et la culture tous sont la meilleure réponse à la haine que nous porte daech.

CES ASSASSINS COMMUNIENT DANS LA MORT. AIMONS, CÉLÉBRONS, VIVONS LA VIE.

 

Il faut tuer les tueurs et leurs commanditaires

Raison garder, même et surtout face aux horreurs de la déraison.

Mais aucune théorie philosophique, géopolitique, religieuse ou interculturelle ne m’empêchera de proclamer, face à la terrible violence terroriste, ma passion de la vie. À cette aune, les évènements de cette nuit en Ile-de-France soulèvent en moi une colère extraordinaire, comme je n’en ai pas connu souvent, dans notre République : les guerres d’Indochine et d’Algérie, le massacre des algériens de Paris par le préfet Papon le 17 octobre 1961, les crimes de l’OAS, ceux de Merah, de Charlie et de l’hyper casher…pour ceux des nazis, j’étais un enfant trop jeune pour transformer ma terreur en fureur.

Je n’ignore pas que ces impitoyables gamins, issus des bords de la Méditerranée, du proche et du moyen orient, ou de l’hexagone, croient proclamer ainsi je ne sais quel désespoir existentiel, ou un improbable combat pour leurs convictions délirantes, à la manière, selon eux, de Jan Palach à Prague, de Federico Garcia Lorca à Grenade ou encore de George Byron aux environs de Lépante. Mais ceux la défendaient des valeurs humanistes et ne tuaient pas, ils étaient au contraire détruits au nom de ces valeurs. Non les assassins de cette nuit ne sont pas les héritiers de ces grandes figures inspirées et engagées jusqu’à leur mort pour la liberté.

Ils ne sont que des robots glacés, actionnés par leurs commanditaires, via internet ou SMS, obéissant aveuglément à des chefs politiques cyniques et sanguinaires qui les envoient nous tuer en grand nombre et avec jouissance, puis se tuer ou être tués. Ils aiment plus la mort que nous la vie. Conditionnés physiquement ou électroniquement ils tombent dans une addiction à l’ordalie, au défi doublement mortel qui les nie en tant que personnes : ils ne sont pas les sujets d’une grande cause mais les objets, inhumains, d’une manipulation planétaire.

Mais explication ne vaut pas justification : téléguidés, conditionnés ils ne sont pas moins assassins, bourreaux, tueurs. Je suis depuis toujours opposé à la peine de mort prononcée par un tribunal. Mais aujourd’hui et dans cette  abominable situation, il ne s’agit pas d’une justice indépendante rendue par des institutions démocratiques. NOUS SOMMES EN GUERRE et ces assassins sont les soldats d’une armée ennemie qui veut nous détruire, comme individus et comme civilisation. Nous devons nous défendre et comme êtres humains et comme garants de ces valeurs. Il faut éliminer et détruire nos ennemis. Sans pitié pour eux qui ne la connaissent pas, sans remords pour eux qui le méprisent, sans compassion pour eux qui suppriment la vie et méritent de mesurer ce qu’est la mort.

Je ne suis pas heureux de ce que j’écris en cette nuit du 13 au 14 novembre mais je crois demeurer fidèle à l’esprit de la Résistance qui ne redoutait pas d’infliger la mort à ceux qui la distribuaient autour d’eux. Pas heureux mais ma main ne tremble pas.

La France, l’Europe, le monde sont en guerre contre ce cancer métastatique qui veut nous terroriser et nous exterminer. Mais si nous refusons la peur, si nous avons le simple courage de faire face, ces tueurs ne sont rien. Ils ne sont forts que de la faiblesse de leurs cibles. Au totalitarisme implacable opposons une guerre totale, au fanatisme déchainé une claire, calme et généreuse détermination (et déjà en accueillant les migrants comme des êtres humains).

Sachons résister à la peur mais aussi à la haine. Soyons solidaires avec toutes les personnes en situation de précarité ( autochtones ou migrants), et impitoyables avec les agents de la mort. Malgré les douleurs indicibles devant ces corps massacrés,  les chagrins infinis des familles et des proches, le deuil qui afflige notre République, osons affirmer tous ensemble: NOUS N’AVONS PAS PEUR, VIVE LA VIE.