L’HISTOIRE AU SECOURS DE LA RÉPUBLIQUE

Il me semble nécessaire de rappeler, à quelques jours d’échéances électorales décisives, dans un contexte mondial de délitescence de la pensée et de désagrégation des repères, comment, il n’y pas si longtemps, trois implacables dictateurs s’emparèrent du pouvoir par la voie démocratique en respectant les procédures constitutionnelles ( jusqu’à la prise du pouvoir).

Hitler

Le parti nazi (NSDAP) obtient 2,6 % des voix en mai 1928, 18,3% en septembre 1930, 37,4 % en juillet 1932 , 33,1% en novembre 1932, date des dernières élections libres. Les événements se précipitent alors: d’abord Hitler, dont les SA maintiennent une agitation inquiétante dans le pays, est nommé chancelier du Reich par le Président Hindenburg le 30 janvier 1933; le 27 février 1933 l’incendie du Reichstag (jamais élucidé, attribué par les nazis aux communistes), mais qui  ouvre remarquablement, en quelques heures, la voie au  décret du « Président de la République » du 28 février 1933; basé sur l’article 48 de la constitution, il permet à Hindenburg, manipulé par Hitler, de « prendre toute mesure appropriée pour sauvegarder la sécurité publique » et donc de suspendre toutes les libertés civiles de la République de Weimar (liberté de circulation, d’expression, de réunion, de la presse…) Dans ces conditions les élections du 5 mars 1933, falsifiées par le nouveau pouvoir, donnent 43,9%  des voix au parti nazi et permettent à Hitler de faire voter la loi des pleins pouvoirs le 24 mars 1933, loi qui restera en vigueur jusqu’en mai 1945. Cet ensemble de dispositions, votées par les représentants du peuple, rassemble les trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) entre les mains du « Führer » qui est désormais libre de dévaster son pays, l’Europe et le monde. Le processus de prise de pouvoir, par la voie électorale, a répondu formellement aux procédures constitutionnelles. Tout était écrit dans Mein Kampf.

Mussolini

Ancien militant du parti socialiste italien avant la première guerre mondiale, Benito Mussolini fonde en novembre 1921 le parti national fasciste et place ses militants, les chemises noires, au service de la contre révolution. Avec des effectifs supérieurs à 700 000 partisans, ce parti ne parvient toutefois  pas à convaincre les électeurs. Mussolini utilise alors la menace et organise une marche sur Rome, avec ses forces paramilitaires. Le roi Victor Emmanuel III n’ose pas décréter l’état de siège par crainte d’une guerre civile et nomme Mussolini chef de gouvernement le 22 octobre 1922, poste qu’il ne quittera que le 25 juillet 1943. En apparence respectueux au début des règles constitutionnelles, il s’en affranchit rapidement, obtient sous la menace l’attribution par la chambre des députés et le sénat des pleins pouvoirs et la modification radicale des lois électorales. Ainsi en avril 1924 le parti national fasciste recueille 60% des suffrages et devient majoritaire. Dès lors la dictature, que rien ne retient, peut dérouler ses crimes: assassinat du grand opposant Giacomo Matteoti le 10 juin 1924, proclamation à l’automne 1926 des lois de défense de l’État, dites lois « fascistissimes » qui instaurent le parti unique, suppriment les syndicats et créent une redoutable police politique l’OVRA. Le régime totalitaire peut désormais travailler à l’avénement de l’ »Homme nouveau » et Mussolini s’associer aux forces de l’Axe pour supplicier l’humanité. Là encore la conquête du pouvoir s’est inscrite dans la cadre constitutionnel.

Pétain

Philippe Pétain achève sa carrière d’officier supérieur, à la veille de la première guerre mondiale, avec le grade de colonel…Rappelé en 1914 il gravira tous les échelons du cursus honorum jusqu’au maréchalat. Ambassadeur de France à Madrid en septembre 1939 il refuse d’enter dans le gouvernement Daladier, et en mars 1940 dans celui de Paul Reynaud. Selon le regretté Jean Louis Crémieux-Brilhac, Pétain « partage le mépris de la droite antiparlementaire pour le régime qui l’a couvert d’honneurs…Il ne voit en Hitler qu’un Guillaume II plébéien, il ne doute pas que l’on puisse s’accommoder avec lui… ». Dès le 13 juin, la bataille de France perdue, Pétain, désormais vice président du conseil, exige l’armistice et met sa démission dans la balance. Il obtient la démission du cabinet Paul Reynaud, le 16 juin, et sa nomination comme président du conseil par le président de la République, Albert Le brun. Pétain fait aussitôt « don de sa personne à la France » et fustige « l’esprit de jouissance (qui) l’a emporté sur l’esprit de sacrifice ». L’armistice; approuvé par le conseil des ministres (que de nombreux patriotes avaient  quitté) est signé le 22 juin 1940. Entre temps Charles de Gaulle et le début de la France Libre sauvaient l’honneur et bientôt, avec les Alliés, la France.  Mais Pétain continue, en respectant les formes. Le 10 juillet 1940 il fait voter par les deux chambres réunies au casino de Vichy la célèbre loi constitutionnelle qui « donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain ». Le lendemain 11 juillet par trois « actes constitutionnels » Pétain se proclame « chef de l’État français » (la République a disparu) et s’attribue personnellement l’ensemble des pouvoirs (constituant, législatif, exécutif et judiciaire), exactement comme Hitler et Mussolini. Il décrète l’arrestation, dès 1940, de Léon Blum, Georges Mandel, Édouard Daladier et Paul Raynaud. Les lois antijuives et toutes les horreurs annoncées ont désormais le champ libre. Tout s’est en apparence déroulé selon les procédures.

Hitler, Mussolini, Pétain: trois dictatures sanglantes, tous tyrans sanguinaires, fossoyeurs des libertés, assassins des droits de l’homme et d’abord du premier, soit le droit à la vie. Pour les deux premiers ils avaient annoncé leurs programmes mais surtout chacun s’est plié benoitement aux procédures constitutionnelles pour accéder au pouvoir. S’il y eut, eu égard de l’histoire, coup d’Etat, ce fut légalement. Ne l’oublions pas, après tant d’autres alertes « légales » (Brexit, situation en Hongrie, voire Autriche, Pays Bas, réélection insupportable mais plausible du personnage d’extrême droite aux États Unis) et à la veille d’une séquence électorale à hauts risques en France.

Ce dimanche, pour la deuxième fois dans l’histoire des cinq Républiques, la France est au risque mortel de sombrer dans la dictature d’un parti, initialement fondé par des néo nazis et dont le programme affiche ouvertement le triage des français (binationaux, « français de papier »), la préférence nationale, la mise au pas de la justice, la privatisation de l’audio visuel public (le privé étant sous traité à Vincent Bolloré), la sortie de l’OTAN, le choix de la Fédération de Russie plutôt que la courageuse Ukraine, et tant d’autres non sens qui déshonoreraient notre histoire et notre pays tant aimé.

Le plus dramatique est le caractère irréversible des régimes des dictatures: elles ne rendent jamais le pouvoir quand elles l’ont accaparé, comme le montrent les trois exemples ci dessus.

Alors dimanche pas d’hésitation; pas d’abstention, pas de bulletins blancs ou nuls, pas une voix pour le RN.

Cette fois ci la RÉPUBLIQUE est vraiment en danger.

Une réflexion au sujet de « L’HISTOIRE AU SECOURS DE LA RÉPUBLIQUE »

  1. Bonjour M. Sztulman,

    Je prends la plume pour partager avec vous mon indignation et ma frustration face à la situation actuelle de notre pays. Lors des dernières élections européennes, j’ai été bouleversée de voir le Front National, aujourd’hui le Rassemblement National (RN), obtenir une place aussi importante. Cette montée en puissance d’un parti dont les idéaux vont à l’encontre de nos valeurs républicaines m’afflige profondément.

    Je viens d’une famille aux origines diverses : ma mère est Haut- Savoyarde et mon père était vietnamien, ayant combattu les communistes jusqu’en 75. Mon grand-père, lui, a été résistant pendant la Seconde Guerre mondiale. J’ai grandi avec une double culture, nourrie par ces histoires de lutte pour la liberté et la justice.

    Aujourd’hui, je ne me reconnais plus dans cette France. Je suis consternée et blessée de voir tant de gens voter non seulement pour le RN, mais aussi pour l’extrême gauche ou pardonnez-moi mais j’ai l’impression d’y entendre une résonance trotskiste. Ces votes pour des partis aux idées radicales menacent les principes de notre République. Je suis profondément touchée et je ne comprends pas comment notre pays en est arrivé là.

    Mon expérience personnelle rend cette situation encore plus poignante. J’ai été mariée à un homme d’origine italienne, dont les idées se rapprochent de celles du RN, comme Jordan Bardella. Quand j’étais avec lui, j’étais naïve et amoureuse. Je pensais que ses opinions changeraient parce que nous étions une famille. Mais cela était impossible. J’ai compris petit à petit, à quel point ces personnes utilisent les apparences pour cacher leur idéologie extrémiste et lorsque cette idéologie se révèle, c’est vraiment effrayant.

    Votre texte a résonné en moi et bien évidemment j’irai aux urnes demain. Comme vous le dites si bien, l’histoire montre que les dictatures ne rendent jamais le pouvoir une fois qu’elles l’ont accaparé. Je suis donc résolue à me joindre à tous ceux qui refusent de voir notre pays sombrer dans l’autoritarisme.

    Je vous remercie pour votre engagement et vos paroles, qui, en rappelant les leçons de l’histoire, nous exhortent à ne jamais baisser la garde face aux menaces contre nos libertés.

    Respectueusement.

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