Le nouveau monde du 9 novembre 2016

Ainsi, en cette nuit du 8 au 9 novembre 2016, la première puissance mondiale s’offre-t-elle au vertigineux délice du retour au passé, de la régression et du bonheur malsain de dire non. Quatre ans à peine après avoir réélu un président africain américain, noir, progressiste, universaliste, intellectuel et homme d’action (description qui ne signifie pas que sa politique fut excellente sur tous les plans…) le peuple américain, enfin les électeurs, enfin ceux qui votent, choisit pour roi un grossier personnage, prototype du raciste blanc, de l’homophobe et phallocrate mâle, incompétent et menteur pathologique, au comportement délibéré de mufle et de goujat.

Les experts vont nous expliquer comment cette bascule en arrière a été rendue possible, inévitable, prévisible avec la même assurance que celle qui les conduisait, il y a quelques heures encore, à affirmer que cela ne pouvait arriver. Laissons ceux la qui participent aussi de la défaite de la pensée.

Cette aube est bien navrante, en effet. Mais il ne sert à rien de se lamenter, de s’inquiéter ou d’accuser. Il nous appartient de faire mentir Valery, pour qui les civilisations sont mortelles et de rendre vivante la parole de Camus qui veut imaginer Sysiphe heureux. Les travaux sont immenses et urgents: le ventre  de la bête immonde est à nouveau fécond.

Le « Big One » a bien eu lieu aux États Unis cette nuit, non pas celui de la fracture des plaques tectoniques de la cote Pacifique, mais le tremblement de terre politique des couches populaires qui s’estiment « déclassées » et victimes du « grand remplacement ». Il y aura des répliques et d’abord en Europe: après le Brexit, les tentations autoritaires de certains pays qui ont rejoint récemment l’Union Européenne, la demande absolutiste d’un pouvoir fort, même si moins démocratique, dans notre République sont là.

Alors nous devons encore une fois entrer en Résistance, ne pas abandonner aux ténors de la politique spectacle, du syndicalisme corporatif, des médias prétentieux, des intellectuels officiels, la parole publique, les propositions révolutionnaires et les choix de nous représenter. Il y a du travail; c’est à le fournir, tous ensemble, dans la communauté de valeurs, que nous éviterons de subir.

14 réflexions au sujet de « Le nouveau monde du 9 novembre 2016 »

  1. Bonjour Monsieur Sztulman, Triste, triste…. mais j’ai une autre analyse. De nombreux psys avaient prévu que le mariage homosexuel risquait de mettre la civilisation en danger. Ce n’est pas être homophobe de constater que les pervers-narcissiques ont pris le pouvoir…

    Michèle PLAHIERS.

    1. Je vous remercie pour votre commentaire sans pour autant l’approuver.
      Je ne crois pas que l’officialisation du mariage homosexuel mette la civilisation (laquelle?) en danger. Pas plus que l’abolition de l’esclavage ou la reconnaissance du vote des femmes, mesures qui pourtant n’étaient pas conformes à l' »ordre naturel » antérieur.

      1. En réponse, je vous rappellerais cet article de Jeanine Chasseguet-Smirgel que vous avez certainement connu et dans lequel elle parle du film: « Cabaret » et la montée du nazisme. L’avez-vous occulté? Papa1 et papa2, c’est la perversion des mots, comme l’aurait dit Platon.

      2. Pierre Manent à dit à juste titre que le mariage homosexuel est la divided-line qu’il ne fallait pas franchir, signant la mort de la différence sexuelle, du père et de l’Oedipe.

        1. Chère correspondante,

          Je réponds en bloc à vos quatre derniers messages postés hier en moins d’un heure. Il faut croire que vous aviez quelque chose d’important et d’urgent à exprimer. En effet l’essentiel de vos commentaires consiste à récuser, avec des objections empruntées à certains psychanalystes, le mariage pour tous. Je ne censure pas mais je n’approuve pas davantage car il est vrai que les dérives réactionnaires de quelques psychanalystes sont anciennes comme l’histoire de la psychanalyse. Vous évoquez la figure tutélaire de Janine Chasseguet Smirgel: elle et son mari Béla Grunberger ont été des collègues très proches mais nous partagions davantage certains plaisir de joutes intellectuelles ou de découvertes gastronomiques que l’interprétation ultra conservatrice, souvent rétrograde à laquelle ils soumettaient les mouvements sociaux. Il est vrai que leurs charmes, la vivacité de leurs cultures et le brio de leurs écritures relativisaient nos différents théoriques.
          Vous citez deux neuf novembre historiques et inversés: l’un le début de la liberté, l’autre la mort de la liberté. Deux autres, symboliques, me reviennent en mémoire: 9 novembre 1970 mort de Charles de Gaulle; 10 novembre 1891 mort d’Arthur Rimbaud, deux grands artistes, si différents.

  2. Oui , les peuples manquent de discernement .Mais cette situation n’est elle pas la conséquence de l’attitude d’une classe politique qui manque de qualité , de responsabilité , de courage et qui donne la désagréable impression d’être dans l’incapacité de résoudre les difficultés du monde. . Les USA ont produit deux candidats peu séduisants .Il faut payer l’addition.

    1. Je partage l’analyse. Mais il faut aller plus loin car nous risquons d’avoir exactement la même situation en France dans quelques mois.
      A suivre…

  3. J’ai aussi lu le livre testament de Madame Janine Chasseguet-Smirgel: Le corps comme miroir du monde. Et ce qui se passe aujourd’hui était tout à fait prévisible.

  4. Eviter les divisions et les discours de haine, rester optimiste, et reconstruire le rêve de nos valeurs.
    De quoi est -il fait, ce rêve ? Que signifie l’idée même d’émancipation et de liberté pour les jeunes qui n’ont pas connu les horreurs du XX eme siècle? Les utopies , qui sont pour eux du « concept  » philosophique, ne pèsent rien par rapport à un passé bien meilleur : celui qu’ils ont partagé avec leurs parents et au regard du sentiment récurrent de « no future ». Si Leur rêve reste effectivement un monde meilleur , encore faut-il qu’ils aient plaisir à s’y projeter. Meilleur ce n’est donc pas des mots, c’est un pouvoir d’achat suffisant et surtout du temps passé à ne pas le perdre. Vita brevis ! jamais la conscience de la rapidité de la vie n’a été aussi forte, depuis que les technologies dévorent les heures. Il suffit de voir les efforts incroyables des Google, Elon Musk et autres développeurs de robots et d’immortalité… c’est bien de temps pour soi dont il est question au bout du bout. Du temps de vivre pleinement avant de mourir.
    Tant que le politique ne comprendra pas cela – cette évidence qui consiste à repenser l’économie et le monde du travail en fonction des possibilités du nouveau monde dans lequel nous sommes entrés – , il continuera à théoriser et se satelliser dans les bulles des partis , à longue distance des citoyens.
    Le vote est leur seul geste de colère -c’est tout de même moins pire que les armes . Leur refus des vieux modèles aboutit à des impasses et des excès : la nature ayant horreur du vide , le vide de l’imagination est remplacé par un trop plein de basses émotions . Or l’imagination se co-construit et passe donc par la maîtrise du langage qui est notre bien commun. D’où l’importance vitale de L’éducation, vecteur de base de cette indispensable transformation. Par l’éducation vient la connaissance qui nous remplit , et instruit différemment notre rapport au temps. Partager, échanger, inventer dans nos familles, nos milieux professionnels, nos entreprises , nos écoles, c’est sûrement la clé de l’avenir. Il faut de la souplesse, du risque mais c’est tellement plus intéressant . Prendre notre part , c’est se réinventer un présent . Vita brevis, Ars lunga…

  5. Le choix des américains pour D.Trump révèle juste ce que l’on sait déjà, ce qui est palpable mais que l’on évite de dire et cela même sur notre territoire. L’histoire ne cesse de ce répéter et l’être humain ne cesse de l’oublier. La résistance bien évidemment, pourtant quelque chose manque, de mon point de vue, et c’est peut-être bien l’espoir…

    1. Vous avez parfaitement raison. Je vais écrire quelque chose sur la répétition: Hitler, Mussolini, Pétain, d’autres… Il en va du psychisme individuel comme des grands mouvements de l’inconscient collectif. C’est à démasquer la répétition, l’élaborer et finalement lui substituer une forme nouvelle, une invention créatrice que l’espoir peut réapparaitre.

  6. Le parcours vers la perfection, l’harmonie personnelle ou sociétale est parcouru d’épreuves. Peut-être en faudra t-il passer par là nous aussi?

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