Le parti du racisme ordinaire (mais méthodiquement dissimulé), de la haine de l’étranger (travestie en nationalisme), du révisionnisme historique (qui s’exprime par à coups, échappant à son contrôle), du chauvinisme cocardier sécrétant la phobie de l’Europe, du passéisme nostalgique de l’ancien régime (celui de 1940 comme celui de 1815 et d’autres moments réactionnaires de notre histoire), des fraudes au Parlement européen, ce parti là, dimanche dernier, a recueilli 21.30% des voix soit 7 679 493 votes (juste 1 million de moins que E. Macron, mais 1 200 000 de plus qu’avec la même candidate au premier tour de 2012). Dans notre Occitanie elle arrive en tête (de peu mais première) devant E. Macron, J.L.Mélanchon et F. Fillon, dans l’ordre; dans cette région elle gagne 6 départements (Pyrénées Orientales, Aude, Hérault, Gard, Tarn, Tarn-et-Garonne), E. Macron 5 (Lot, Aveyron, Gers, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées), F. Fillon 1 (Lozère), et J.L.Mélanchon 1 (Ariège) . Elle se trouve en tête dans 47 départements (sur 101) et 216 circonscriptions législatives (sur 577). Le pays, même pas surpris, ou choqué, constate l’extraordinaire banalisation de ce phénomène: l’extrême droite est aux portes du pouvoir.
Il faut arrêter cette résistible ascension tant que nous le pouvons: non seulement par sa défaite au deuxième tour le 7 mai mais en limitant au maximum le nombre de ses voix et son pourcentages final. Seul le vote Macron tend vers cet objectif: les bulletins nuls ou blancs tout comme l’abstention servent objectivement, mathématiquement, les intérêts du « Front National ».
Donc le temps n’est plus aux finasseries, aux états d’âme, aux calculs stratégiques, aux votes « révolutionnaires ». Toutes les tergiversations, tous les atermoiements sont des actes de collaboration, je n’emploie pas ce mot par hasard. Certains disent même voter pour cette candidate de manière à construire d’emblée une opposition à Macron, sans mesurer qu’ils risquent de provoquer son élection, celle de le candidate du FN . D’autres, au raisonnement encore plus tordu, se demandent s’ils ne vont pas laisser passer le FN pour faire barrage au social libéralisme qui risquerait de faire à terme le lit du FN…Se voulant plus rusés, certains groupes politiques ou religieux disent leur opposition à la candidate FN mais sans imposer le vote Macron laissant ouvertes toutes les autres possibilités qui, je le redis, sont objectivement favorables à cette candidate. D’autres, choisissant la facilité, profiteront du long week end (celui de la victoire sur le nazisme!) pour éviter de penser en se livrant aux plaisirs du vote buissonnier. Enfin il en est qui disent qu’ils ne diront rien alors qu’ils ont rassemblé des millions ( 7 060 885 exactement) de suffrages d’électeurs auxquels ils ont offert une immense espérance qui se révèle (non par l’échec mais par ce silence devant le péril du fanatisme fasciste) une illusion désespérante. Pourtant le chef de file des insoumis appelait en 2002 à se saisir « du bulletin de vote Chirac…Quelle conscience de gauche peut accepter de compter sur le voisin pour sauvegarder l’essentiel parce que l’effort lui parait indigne de soi? »
En 2002 la France entière s’était levée pour barrer la route à J.M. Le Pen. En 2017 la présence de sa fille en finale de l’élection présidentielle, après ses nombreux succès dans les scrutins intermédiaires, semble banale à beaucoup. Je renvoie à mon article dans ce bloc notes « Le nouveau monde, suite » pour que chacun retrouve le souvenir de l’accession légale au pouvoir de Mussolini, Hitler, Pétain (aujourd’hui Poutine, Erdogan).
Aujourd’hui, dans notre pays qui inventa la liberté constitutionnelle , la fabrication d’une dictature (ou d’une démocrature pour employer une terminologie plus actuelle) est possible par le recours conjoint, par la présidence de la République, à l’article 16 (qui permet au président, sous sa seule signature, de cumuler l’intégralité des pouvoirs législatif et exécutif, sans aucun contrôle ), à l’usage du référendum, aux lois sur l’état d’urgence (toujours en vigueur) et aux textes issus des différentes lois anti terroristes. Et les forces de l’ordre obéissent toujours, l’histoire nous l’a prouvé, au pouvoir en place. Les liberticides ne perdent pas de temps et quand les forfaits sont accomplis il est trop tard, les peuples sont asservis (y compris et sans doute surtout par le recours aux nouvelles technologies, qui rendent l’esclavage plus « doux »).
Il est temps de se réveiller et les spectres horribles de Jean Marine Le Pen et de Marion Maréchal « nous voila » Le Pen nous l’imposent. N’oublions pas que nous sommes les enfants des patriotes de l’an II de notre Révolution qui portèrent les couleurs de la liberté aux quatre coins de l’Europe, des trois glorieuses de 1830, de la seconde République de 1848, de la Commune, du Front Populaire, de la France libre, du Conseil National de la Résistance (les Jours Heureux) et que la Marseillaise est encore chantée partout où et quand les peuples se libèrent des servitudes. Oui nous sommes les enfants de la patrie universelle, mais il ne suffit pas d’en être fier, il faut le mériter. Le moment est venu. Ce geste n’est vraiment ni dangereux ni difficile.
Post scriptum 1: dans ce billet je n’évoque pas les autres dangers considérables du programme du FN: appauvrissement généralisé de la France et des français par le « Frexit » suivi de la dévaluation du franc, effondrement de l’économie par la fermeture des frontières, politique étrangère privilégiant les relations avec les autres dictatures ou régimes durs, régressions sociales et sociétales…Mais cela existe aussi.
Post scriptum 2: une lecture, ou relecture très utile. Il s’agit d’un texte rédigé par un adolescent, entre 16 et 18 ans, que son amitié avec Michel de Montaigne et d’autres travaux ont rendu célèbre, le Discours de la servitude volontaire par Étienne de La Boétie (1576). Cet écrit fondateur présente un réquisitoire contre l’absolutisme et interroge la complaisance, voire la complicité des sujets ou des peuples asservis à l’esclavage qu’ils subissent. Quatre siècles plus tard Rosa Luxemburg : « Ceux qui ne bougent pas ne sentent pas leurs chaines »