Rimbaud, l’impossible amour

Le livre est disponible depuis la mi janvier. Il suscite diverses chroniques et commentaires dont le suivant particulièrement travaillé, que je propose à mes correspondants. Tous autres commentaires seront appréciés.

Cher ami,

Comme annoncé lors de votre présentation à la librairie Ombres blanches, je viens de mettre en ligne sur mon site internet consacré à Rimbaud un compte rendu de votre récent livre. Voici l’adresse précise :

http://abardel.free.fr/bibliographie/notes_henri_sztulman.htm

Bien amicalement à vous et à nouveau merci pour cette chaleureuse intervention dans le champ (de mines) du rimbaldisme.

Alain Bardel.

10 réflexions au sujet de « Rimbaud, l’impossible amour »

  1. Je remercie chaleureusement l’éminent connaisseur qu’est Alain Bardel pour sa contribution savante, précise et quasi exhaustive. Sans contester, si peu que ce soit, les citations, précisions, rapprochements qu’il apporte je ne le suis pas dans ses interprétations finales . D’ailleurs Bardel qualifie bien lui même, dans sa conclusion, d’extrêmement subjectif, tout regard critique porté sur l’oeuvre et la vie de Rimbaud.

    Or ma vision n’est pas celle d’homme cruel ou peu sympathique, calculateur, incapable d’amour; non je pense simplement qu’Arthur fut assez largement privé sinon d’amour du moins des manifestations extérieures de l’affection et de la tendresse. Il n’y pas de doute, pour moi, sur la sincérité des sentiments du fils pour sa mère, du frère pour ses soeurs, de l’amant pour Verlaine (même si, dans ce dernier cas il y a, aussi, un intérêt particulier à l’entraîner dans ses dérèglements révolutionnaires, mais il n’avait pas vingt ans!)

    Je n’ai jamais souhaité « juger » Arthur évidemment, ni donner le sentiment que quiconque pourrait s’y autoriser. Et suis désolé si mon livre peut, parfois, donner cette impression. Mais je suis ravi que ce commentaire avisé de Bardel ouvre le débat. Et je le lui dis avec amitié.

  2. J’ai lu attentivement votre « Rimbaud, l’Amour Impossible » dans les heures qui ont précédé votre présentation à Ombres Blanches ; je l’ai reçu comme un essai de compréhension profonde, sensible et empathique.

    Je ne suis qu’une simple lectrice et auditrice, ni intellectuelle ni cultivée, et peut-être d’autant plus sensible aux mots, à ceux que vous avez écrits, à ceux que vous avez prononcés. Et je dois dire que je ne comprends pas.

    L’image que j’ai de Rimbaud après vous avoir lu et écouté n’est pas « dérangeante » à mes yeux. Je ne comprends pas, sauf à considérer que nous ne pouvons aimer que dans l’éblouissement ou le brouillard, que l’amour – au sens d’Eros, Philia ou Agapé – ne peut survivre à une lumière éclairante.

    La psychanalyse est une invitation à aller vers la lumière et ainsi pouvoir lutter contre nous-même, contre cette part d’ombre, cet inconnu qui est en nous. Elle nous apprend donc l’indulgence sans complaisance, envers nous-même et les autres.

    Arthur était humain, tout simplement. Et d’autant plus aimable qu’il n’était qu’humain. Mais cet adolescent aurait-il été Rimbaud si son père ne s’était pas absenté, si sa mère n’avait pas été contrainte de faire face seule depuis si jeune, si ses sœurs, les deux Vitalie, avaient eu la vie devant elles ?

    Tous les révolutionnaires ont une histoire, un parcours de vie, un inconscient – libre à chacun de l’ignorer. Tous les révolutionnaires ont un inconscient, ils ne sont pas moins révolutionnaires pour autant.

    1. Merci pour votre contribution.

      Je ne suis pas assuré que la psychanalyse aspire seulement – ou même principalement- à la lumière mais pour l’amour, oui, il se déploie, rutile, chatoie plus naturellement dans la splendeur de son rayonnement que dans les obscurs.

  3. Je viens de lire les commentaires érudits sur votre livre.
    Arthur Rimbaud a été aimé par Verlaine, et aussi plus tard, d’une certaine manière, par tous les nombreux auteurs qui ont voulu l’entourer de leur attention affectueuse, sans doute un peu de la même essence que celle « du Prince des Poètes ». Sa belle gueule y est pour beaucoup, je reviens sur mon idée. Aimait-il ou non Verlaine, j’ai compris les deux. Il a cédé puis s’est repris, il l’a toujours aimé et jamais.
    Belle gueule, cheveux rebelles, son portrait a été comme une eau transparente, on s’y est reconnus, parfois distinctement, parfois un peu flous, on s’y est cherchés. Ce marcheur sur la couverture de votre livre, peint par Joan Bordas (autre marcheur), c’est vous, nous l’avons compris. De loin, je vous salue, admirative. Je vous dis encore bonne route. Donnez-nous un jour des nouvelles de Poil de Carotte si vous le rencontrez, de sa pauvre mère qui se serait jetée dans un puits…

  4. Sonia a corrigé: la peinture de la couverture est de Joan Jorda.

    Par ailleurs Deborah a posté un commentaire inspiré sur Rimbaud, mais, par une erreur d’orientation, il se trouve, comme ma réponse, dans les commentaires du « Nouveau Monde, suite » respectivement en 16ème et 17 ème position. Bonne lecture.

  5. Coincée sous la charge de mon immaturité, trimestriellement réaffirmée durant ma scolarité, je n’ai pas connu l’élan voire la fulgurance portée par la lecture des poèmes d’Arthur Rimbaud.
    C’était un domaine inaccessible pour moi, sans doute interdit juste par ce que j’étais. Je me suis rendue à la présentation de votre livre avec les restes de cette charge, que j’assume aujourd’hui, en m’autorisant ces lectures, chez moi, avec moi, seule, accompagnée du dictionnaire et en restant discrète, peut-être effacée car peu sûre, au contact des autres. Les autres étaient là, à Ombres Blanches. Il m’a été impossible de venir vous saluer et vous remercier. D’ailleurs, c’était probablement sans importance
    Je le fais ici. J’ai acheté votre essai. Je l’ai lu. Les dernières lignes lues, c’était hier soir. J’écris maintenant pour transmettre peut-être mon émotion fraîche et mes interrogations / réflexions que je me permets d’avoir et de vous adresser avec une humilité sincère, résultat de ma construction
    Bien sûr, j’avais lu « Le dormeur du val » et je me souviens avoir été étonnée de voir la mort écrite dans une aussi belle manière, la plaçant dans un ordre naturel en pleine nature
    Cela ne correspondait pas avec l’image terrifiante véhiculée par et dans ma famille. Je n’avais pas tenu compte de l’apaisement reçu et de mes pensées à cette lecture, incapable que j’étais de réflexion mâture.
    Amour impossible, j’ai écrit ces mots dans mon message en début d’année à votre attention. Ca n’était pas par une référence consciente au titre de votre essai ; je m’en suis aperçue quand sa présentation a été reprogrammée et mon « inconnu » m’a fait sourire …
    Alors j’y reviens. Je me demande si en amour (dans toutes ses formes), les gens ont plus de chance que d’autres ou s’ils se trompent … par manque de lucidité, par manque de courage donc
    J’ai peu lu mais je rattrape ce retard, avec des petits paquets de papiers partout autour de moi, qui font partie de mon existence comme des balises choisies, parce que j’entends mes pensées, que je doute encore d’elles parfois, qu’elles m’attristent et me font peur, que je ne peux les partager et que je cherche une réponse ou une résonance ou une confrontation dans celles de ceux reconnus, penseurs et matures, eux, qui ont laissé des écrits. Le désert, le silence, le retrait est toujours au bout de leurs chemins de réflexions
    En tournant vos pages, je me suis aussi demandée si la vie de Rimbaud aurait été autre s’il était entré en analyse. Dénouer et comprendre le passé, les liens familiaux est une chose incontournable mais ensuite, pour aller vers l’avant, il me semble que tout dépend du degré de lucidité qu’on a été capable d’atteindre. A moins qu’il ne s’agisse de chance sur son chemin, ou de mauvais choix guidés par … et de revenir au passé !
    Rimbaud peut donner un élan quand on le lit à 15 ans, 25 ans, mais, avec mes années et ce que j’en fais, je ne peux plus le lire ainsi. C’est plutôt un constat et une rencontre, quoique désynchronisée, chaleureuse et réconfortante, avec ce constat et cet être. Intemporalité. C’est sans doute depuis le constat lui-même qu’un élan peut être engendré : vouloir communiquer, partager l’impossible amour. Seule et étroite issue possible à mes yeux : l’acceptation de ce constat, sans leurre, pour tenter d’agir, avec ses moyens, et par là donner du sens, de l’élan, donc
    Je vous remercie pour votre essai. Il me permet cette rencontre. J’espère être capable de l’approfondir et la poursuivre avec les poèmes et les écrits que nous laisse Rimbaud, et découvrir, apprendre mes façons d’être dans leur lecture. Accepter mes images portées par ses mots, dans un enchaînement qui déconstruit parfois, qui me désoriente, mais qui avance toujours. Lire et relire, avec ce que je suis, ce que je sais et surtout ce que j’ignore, accepter le sens inexact, inapproprié, accepter d’en être éloignée, m’en tenir parfois à la seule et merveilleuse musique des mots et saisir cette avancée, juste celle-là ; elle suit celle de la vie

    1. Je vous remercie pour cette série de commentaires dont je mesure qu’ils viennent de loin, expriment un travail soutenu, une recherche toujours en mouvement et une modestie excessive. Mais chacun y trouvera du blé à moudre pour sa propre méditation. Rimbaud en analyse? J’avoue de pas y avoir pensé, lui qui a donné ses lettres à l’inconscient: « Je est un autre ». Je ne sais pas ce qui en eut été pour
      lui mais je demeure persuadé que l’analyste aurait beaucoup appris sur sa pratique et sur ses références théoriques…

  6. Bonjour,
    puisque psychanalyse et Rimbaud ont conjointement évoqués ici, je me permets de faire remarquer que l’inconscient n’est qu’une hypothèse de travail : rien de plus rien de moins ; de l’inconscient il n’y a jamais eu de preuve. Cela relativise beaucoup toute lecture dérivant, d’une manière ou d’une autre, d’une approche analytique du ‘problème’, Rimbaud en l’occurence, mais chacun n’est-il pas le premier de ses problèmes ? D’ailleurs, sans ‘moi’, où seraient les problèmes de chacun, y compris ceux des autres qu’on prend sur soi et dont on fait alors, pour quelque raison, son problème ?
    D’autre part, nous sommes dans la supputation dans tous les cas : jamais nous ne saurons le vrai (de) Rimbaud puisque jamais nous ne le rencontrerons ; Rimbaud, celui que nous connaissons, est le nôtre et plus nous-mêmes que lui-même.
    Ce qui m’amène au troisième point : il est évident que nous lisons, interprétons les actes et paroles d’autrui selon nos propres images, c’est à dire nous-mêmes. Ce que nous découvrons chez autrui en dit bien plus sur nous-mêmes que sur autrui en question.
    Peut-être quand même un dernier point qui, j’ai l’impression, n’est pas abordé par vous : la poésie elle-même. Rimbaud voulait changer la vie par la poésie : s’il a réussi ou non, lui seul sait mais il parait évident qu’il a entendu quelque voix mystérieuse, d’ouïe inimaginable, et cette inspiration qui s’est manifestée lui a donné une soif ardente d’absolu. Il me semble difficile pour ne pas dire impossible de ne pas tenir compte d’un sens au-delà du (ou des) sens habituel(s), et de son appel à y répondre, impératif pour Rimbaud. Cet appel était-il fondé, légitimé par un sens inconcevable par les moyens d’appréhension et de mesure dont la plupart d’entre nous disposent en plus ou moins grande proportion ? Si cet inconcevable est, si notre monde a un sens dont la perception – l’aperception – est extrêmement rare mais qui n’en demeure pas moins intime à chacun – de l’ordre d’une âme, disons pour simplifier -, si donc il y a de l’inexplicable au coeur même de la vie de Rimbaud (notamment, mais c’est valable pour chacun de nous), alors ne pas prendre en compte cet ‘inexplicable’, ce mystère qu’aucun instrument ne peut enregistrer, dont il n’y a aucune preuve, est une grave erreur. Quant à le prendre en compte, c’est impossible sauf à l’éprouver soi-même.
    Bon, c’était histoire de rendre à Rimbaud ce qui revient à Rimbaud, et à chacun se qui revient à chacun : le secret de la vérité de soi ! « La rose est sans pourquoi », disait Angelus Silesius, un auteur spirituel d’il y a très très longtemps 😉 Nous oublions trop le mystère, l’irréductible à toute explication dans notre vie… Joyeuses fêtes de fin d’année !

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